Passage au télétravail à 3,5 jours en moyenne ? Surement pas comme annoncé par la Direction !

L’annonce faite par la Direction, dans une communication externe, de faire du travail à distance le standard de travail des activités tertiaires, a suscité beaucoup d’émois parmi les collaborateurs. En annonçant une cible à 3,5 jours en moyenne, PSA laisse penser que le télétravail deviendrait obligatoire. Qu’en est-il réellement, quelle est la position de la CFTC ?

Du fantasme de la Direction, à la réalité juridique et sociale

Le télétravail chez PSA, en dehors de la période d’urgence sanitaire que nous connaissons, n’est possible aujourd’hui qu’au travers de notre accord d’entreprise. Celui-ci précise que sa mise en œuvre est soumise au double volontariat du collaborateur et de son hiérarchique, et ne peut excéder 3 jours.

La Direction est-elle en mesure d’en changer les règles, de manière unilatérale, et de mettre en œuvre du « télétravail obligatoire » ?

La réponse est simple et rassurante pour tous ceux qui s’en inquiétaient : cela n’est juridiquement pas possible.

Le code du travail, dans son article L 1222-9, précise notamment

  • que la mise en place du télétravail est réalisée « dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique .. »
  • que ces normes collectives doivent prévoir  « Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail»
  • en l’absence d’accord collectif ou de charte, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils formalisent leur accord par tout moyen. »
  • Et aussi, et surtout que « Le refus d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas un motif de rupture du contrat de travail. »

En résumé, l’accord du salarié est obligatoire, que le télétravail soit prévu dans le cadre d’un accord collectif, ou demandé à titre individuel, et le refus de « télétravailler » ne peut constituer un motif de licenciement.

 

Et maintenant ?

Une fois les effets d’annonce passés, le travail sur le sujet va pouvoir commencer, et il est considérable. Comme mentionné lors de sa conférence sur LinkedIn, la Direction de PSA souhaite modifier les règles en vigueur au travers d’un accord avec les Organisations Syndicales. Mais sur la méthode, là aussi, les premières informations sont rassurantes : malgré le macro planning annoncé initialement, nous n’avancerons ni à marche forcée, ni sous contrainte. En témoigne le calendrier des premières réunions sur le sujet. Jusqu’à la coupure estivale, quatre réunions sont planifiées, les 9 et 24 juin puis les 7 et 16 juillet. Et il ne s’agit là que de réunions de travail, les négociations n’étant pas encore à l’ordre du jour !

 

Le télétravail doit rester à l’initiative du salarié !

Comme indiqué précédemment la loi protège le salarié, qui ne peut se voir imposer, contre son gré, de télétravailler (en dehors de circonstances exceptionnelles définies par la loi). Mais comme il existe de nombreuses façons de faire pression sur les salariés, un accord ne pourra faire l’économie de renforcer cet aspect en précisant que le salarié devra systématiquement garder l’initiative, à la fois, de son passage en télétravail, et du nombre de jours qu’il passera à télétravailler. C’est pour la CFTC un point fondamental sans lequel il ne pourra y avoir d’accord.

Les groupes de travail à venir nous permettront de détailler, d’enrichir, nos propositions, et de faire part de nos interrogations et de nos craintes. De premiers axes de réflexion vous sont fournis ci-dessous dans l’hypothèse d’un télétravail étendu :

Le Collaborateur :

  • Quelles sont les conditions matérielles nécessaires et suffisantes pour télétravailler dans de bonnes conditions ? sachant, bien sûr, que c’est à PSA de les financer (et de les renouveler dès que nécessaire).
  • Comment éviter l’isolement du collaborateur
  • Comment éviter la dérive vers des journées de travail à rallonge
  • Comment préserver les rôles de conseil et de contrôle des conditions de travail, de la médecine du travail et des commission santé et sécurité, et lutter contre les Risques Psychosociaux
  • Quelles compensations financières par jour télétravaillé (surcouts de chauffage, d’électricité, d’abonnement télécom,…)
  • Quel mode de restauration sur site et à domicile (passage aux tickets restaurant ?)

Le management :

  • Quelles sont les compétences nécessaires d’un « télémanager » PSA
  • Comment former et à quel rythme former à ces nouvelles méthodes de management
  • Comment évaluer les managers sur ces nouvelles compétences
  • Comment détecter les conflits managers/managés avant qu’ils ne dégénèrent
  • Comment concilier la liberté des collaborateurs à télétravailler, le travail en équipe et le travail transversal entre équipes

PSA :

  • Pourquoi ce changement, pour quels gains financiers.
  • Comment préserver la cohésion des équipes et de l’entreprise
  • Comment éviter « l’uberisation » de l’entreprise et la transformation des collaborateurs en travailleurs indépendants

Il ne s’agit là que de quelques pistes et de nombreux chantiers restent à ouvrir. Nul doute, aujourd’hui, que l’arrivée du télétravail chez PSA il y a quelques années, a constitué une véritable avancée sociale. S’il s’agit d’améliorer le dispositif et de lever les dernières barrières à sa mise en œuvre, la CFTC y apportera sa contribution, et cela sans réserve. S’il s’agissait pour la Direction du Groupe d’imposer un nouveau modèle de travail, par opportunisme économique, nous nous y opposerons fermement. Et comme indiqué précédemment, sur ce point, les syndicats sont incontournables…