Les augmentations de salaires des cadres chez PSA… expliquées à ceux qui n’en n’auront (peut-être) pas !

La première réunion des « négociations salariales » 2014 aura lieu mercredi 5 février.

Il faut savoir que, chez PSA, la quasi-totalité des discussions engagées lors de ce type de réunion, porte sur les augmentations de salaires des ouvriers et des ETAM. Héritage du passé et de la « lutte des classes » où les cadres se devaient d’être « du côté du patron » ; peur d’opposer une catégorie de salariés « favorisée » à une autre moins bien lotie, tout concourait jusqu’ici à passer sous silence la manière dont les cadres sont augmentés à l’issue de ces « négociations » annuelles.

Pour la CFTC, il est grand temps de mettre fin à cette forme de loi du silence qui, sous couvert de protéger la paix sociale, évite que les cadres, comme les autres salariés de l’entreprise, puissent répondre à deux questions fondamentales:

  • Suis-je, ou non, bien payé par rapport aux collègues de PSA qui exercent un travail équivalent au mien (qui ont le même poids de poste) ?
  • Serais-je mieux payé si j’exerçais le même travail dans une autre entreprise du secteur ?

Nous reviendrons dans un prochain article sur les éléments qui devraient vous aider à répondre à ces questions. Avant cela, commençons par décrire la manière dont sont, habituellement, distribuées les augmentations de salaire des cadres de notre entreprise.

Rappelons tout d’abord qu’il y aura bien, en 2014, des augmentations de salaire pour certains cadres de PSA, comme le précise le nouveau contrat social (NCS) dans le paragraphe ci-dessous :

« Pour 2014, la Direction a indiqué un gel des augmentations générales compte tenu du Résultat Opérationnel Courant négatif. Cette mesure qui vise toute catégorie socio-professionnelle ne sera pas étendue aux Augmentations Individuelles (AI), pour lesquelles un budget adapté sera défini »

Comme toujours, puisqu’il n’est pas fait mention des cadres, il faut savoir lire entre les lignes. Les cadres n’étant pas soumis à un régime d’augmentations générales mais bien à celui des augmentations individuelles, il faut comprendre qu’ils bénéficieront d’un «budget adapté» pour leurs augmentations en 2014. Et bien sûr, par budget adapté, il faut entendre budget très modéré (ce qui n’a rien de choquant au vue des difficultés du groupe). C’est ce budget qui fera l’objet des négociations à venir (pour l’ensemble des catégories socioprofessionnelles). Tentons de décrire ici, malgré les opacités du système, la manière dont les augmentations décidées au plus haut niveau de l’entreprise descendent, ou non, jusqu’en bas de l’échelle (pour les cadres) :

Dans un premier temps, décrivons le fonctionnement du système, les bonnes années, lorsque tout va bien pour l’entreprise, et que le volume des augmentations dépasse l’inflation.

Même si l’on parle d’augmentations individuelles, les négociations traitent du montant global que l’entreprise peut consacrer à l’augmentation de la masse salariale. Pour la population PSA concernée ici (les cadres France de l’activité automobile) cette masse salariale s’élevait à environ 1,16 milliards d’euros en 2012 (pour environ 15 000 cadres)

Une augmentation de la masse salariale (des cadres) de 3% représente donc une augmentation de la charge de l’entreprise de l’ordre de 35 millions d’euros. On comprend vite pourquoi la question de la modération salariale était un point crucial de la négociation du NCS…

Une fois le montant négocié (3% dans notre exemple), il est mis à disposition des différentes directions du groupe et de leurs directeurs. Charge à eux d’enclencher le processus d’individualisation des augmentations, et cela en suivant les recommandations de la fonction RH.

Admettons que les 3% d’augmentation soient également répartis entre toutes les directions concernées (ce qui n’est pas certain : c’est l’un des points qu’il nous reste à éclaircir).

Chaque directeur a donc à sa disposition 3% de sa propre masse salariale à distribuer. En règle générale, chaque étage hiérarchique (et à minima les cadres supérieurs encadrant une équipe) recevra un certain pourcentage à répartir sur ses propres équipes. Une bonne pratique consiste, pour les managers,  à « garder » à leur niveau une petite fraction de la masse salariale à distribuer, pour leur permettre de corriger certaines situations (nous y reviendrons).

Prenons l’exemple d’une direction de 1000 personnes dont la masse salariale est de 80 millions d’euros.

  • Le directeur reçoit une enveloppe à répartir de 80 * 3% = 2,4 millions d’euros
  • Il décide de garder en réserve 0,2% de cette somme, soit 160 000 euros pour arbitrages ultérieurs.
  • Il distribue donc 2,8% de la masse salariale de leurs entités à chacun de ses N-1 (cadres supérieurs)
  • Les N-1 gardent également une petite fraction pour arbitrage (0,2% dans cet exemple) et laissent les chefs de services répartir l’essentiel des augmentations (cf ci-dessous).

Les cadres supérieurs (N-1) sont les seuls (avec les cadres dirigeants et les RH) à avoir accès au système informatique leur fournissant l’ensemble des informations salariales et personnelles de leurs équipes. Parmi ces informations, et en complément du salaire, figurent notamment, l’âge du salarié, son genre, la classe fonction occupée (le poids de poste sous la forme A, B, C, D, E,  F), son positionnement salarial dans la grille pour sa classe fonction, et les dernières augmentations de salaire reçues (en %).

Classiquement, chaque cadre supérieur réalise, à ce stade, (ou fait réaliser par les RH) une extraction du système, sous la forme d’un fichier qu’il transmettra à ses chefs de services. Ce même système informatique permet éventuellement de répartir automatiquement, les augmentations de salaire en fonction de critères RH (atteinte des objectifs, maitrise globale de la fonction, positionnement salarial…). Il est important de souligner que les valeurs pré positionnées ne sont que des propositions et qu’il est de la responsabilité de chaque manager de corriger ces valeurs administratives. Le fichier est en général accompagné de recommandations, précisant, par exemple, qu’il convient d’être discriminant et donc de ne pas donner à tout le monde le même pourcentage d’augmentation.

Le hiérarchique, qui en a reçu délégation de son chef, peut répartir comme bon lui semble l’enveloppe reçue (dans notre exemple, 2,6% de la masse salariale de son équipe, si l’on suppose que ses N+1 et N+2 ont chacun gardé chacun 0,2% en réserve). A la suite de quoi il retransmet le fichier à son hiérarchique.

Celui-ci (cadre supérieur) peut alors harmoniser les augmentations de ces différentes équipes, et utiliser sa réserve (les 0,2% dans notre exemple) pour résoudre quelques cas particuliers (collaborateurs mal positionnés par exemple). Ce même processus peut également être réalisé par le cadre dirigeant qui, à son tour, utilisera sa réserve pour un coup de pousse complémentaire sur quelques cas non résolus au niveau inférieur. Les nouveaux salaires (après augmentation) sont alors saisis dans le système informatique par le cadre supérieur (ou par les RH).

La description qui est faite ici de l’ensemble de ces opérations reste bien sûr théorique. Rien n’empêche, à notre connaissance, une direction de ne pas aller jusqu’au bout de la logique de délégation, qui veut que ce sont les cadres «de proximité» qui fixent les augmentations de leurs collaborateurs directs.

Le processus est en général allégé les mauvaises années. L’année dernière, par exemple, l’augmentation de la masse salariale pour les cadres hors PVG  avait été fixée à 1% de la masse salariale. La pratique recommandée dans ce cas là, consiste à être encore plus discriminant, et donc à n’augmenter qu’un très petit nombre de cadres. Le processus s’arrête alors, en général, à un arbitrage au niveau du cadre supérieur. A charge de ses N-1 de défendre quelques rares dossiers de collaborateurs qu’ils souhaitent voir augmenter.

Qu’en sera-t-il cette année ? De premiers éléments de réponse le 5 février !