PSA, GM, DongFeng : entre grandes manoeuvres et coups tordus

Rumeurs, informations nationales et internationales, communications officielles ou officieuses : il devient de plus en plus difficile de comprendre où va le Groupe PSA et qui tire les ficelles. Bilan d’étape et tentative d’analyse :

Revenons sur les annonces de ces dernières semaines.

  • 24 novembre : annonce de la nomination de M Carlos Tavares, ex-numéro 2 de Renault, pour succéder à M Varin en 2014.
  • 5 décembre : GM annonce le retrait d’Europe de sa marque Chevrolet, pour se concentrer sur ses marques Opel/Vauxhall.
  • 9 décembre : Le Trésor américain cède les parts qui lui restait  au capital de GM, pour 1,2 milliard de dollars (873 millions d’euros), marquant ainsi la fin de sa participation au capital de l’entreprise.
  • 10 décembre : nomination, à compter du 15 janvier 2014, de Mary Barra, au poste de Directrice Générale de GM, à la place de Dan Akerson.
  • 12 décembre matin : PSA annonce en CCE que notre groupe produira à Sochaux les remplaçantes de l’Opel Zafira et de la Peugeot 3008 (sur plateforme PSA “EMP2”). Confirmation également de négociations en cours avec DongFeng (et différents acteurs), pour une entrée au capital de PSA. Dans un communiqué, PSA assure que Géneral Motors serait prêt à soutenir l’arrivée d’un nouvel actionnaire à son capital : “Dans cette hypothèse, GM exercerait les droits de vote attachés aux actions Peugeot S.A. alors en sa possession, pour voter en faveur de cette opération”.
  • 12 décembre après-midi : GM annonce qu’il va vendre, auprès d’investisseurs institutionnels, toutes les parts de PSA qu’il détient.
  • 13 et 14 décembre : aucune annonce, Ouf !

Les analystes ont été nombreux à se pencher sur ces annonces. Nous y reviendrons, mais commençons par décrire le panorama industriel qui s’est dessiné au fil des différentes annonces. Annonces liées d’une part, à ce qu’il faudra maintenant qualifier d’accord de coopération PSA/ GM, et d’autre part  avec le plan produit découlant du Nouveau Contrat Social négocié avec les organisations syndicales :

  • Les remplaçantes de la C3 Picasso et de l’Opel Meriva (monospace du segment B) seront produites dans l’usine GM de Saragosse en Espagne. Lancement prévu en 2016 côté PSA, qui devrait également fournir les moteurs pour les deux marques.
  • La remplaçante de la 5008 sera produite à Rennes.
  • Production à Sochaux des remplaçantes des Opel Zafira et Peugeot 3008.

Des annonces qui restent à préciser :

  • Production commune PSA/GM, de la nouvelle génération de véhicules utilitaires légers des deux groupes (remplaçants des Partner et Berlingo de PSA produit aujourd’hui au Portugal, et du Combo d’Opel développé en coopération avec Fiat). Vraisemblablement en Espagne.
  • Un nouveau véhicule à Mulhouse et un autre à Poissy (précisions attendues en 2014 et 2015).

GM et PSA réaffirmaient jeudi dernier que, ni le “partage des capacités de production” à Saragosse et à Sochaux, ni leur coentreprise achat (JPO), n’étaient  remis en question par la sortie de GM du capital de notre groupe. Si le passé nous a appris à nous méfier des déclarations officielles de nos dirigeants, nous n’avons pas de raison de douter de celle-ci, tant elle semble cohérente et en phase avec les différents ajustements intervenus depuis le lancement tonitruant de l’Alliance PSA/GM. Petit retour arrière :

Annoncée en février 2012, “l’alliance stratégique mondiale” entre PSA et GM était présentée en interne comme LA solution qui devait permettre de sauver le Groupe, en lui donnant les capacités de se développer en dehors de l’Europe.  Cinq groupes de travail étaient lancés et dédiés respectivement :

  • au développement de plateformes communes pour le segment des grandes berlines et celui des petits véhicules volumiques.
  • au programme de petites voitures pour les marchés émergents, avec en cible, une première application potentielle en Amérique Latine.
  • à l’étude d’une plateforme pour les petites voitures à basses émissions.
  • à la boîte de vitesses automatique à double embrayage (DCT), dont le développement avait été suspendu par PSA dans le cadre de son plan d’économies 2012.

Au fil des mois, le principe de réalité a contraint les deux acteurs à revoir à la baisse leurs ambitions. C’est l’abandon de plusieurs projets communs, et surtout le recentrage sur l’Europe de cette “alliance”. Dommage pour un projet qui au départ était présenté comme devant contribuer à la  “globalisation” de PSA.

Les nouvelle perspectives d’alliance de PSA ne sont pas encore finalisées (Dongfeng, l’Etat Français, un autre chevalier blanc ?), et font, semble-t-il, encore l’objet de querelles familiales chez les Peugeot (lire à ce sujet l’article sur lesEchos.fr disponible  ici). A l’opposé, la nouvelle stratégie industrielle et commerciale de GM se précise :

Le constructeur américain, renonce à imposer Chevrolet en Europe. Rappelons que,  sur notre continent, les véhicules de cette marque sont en réalité des Daewoo rebadgées Chevrolet. Initialement, GM pensait pouvoir positionner Chevrolet en entrée de gamme et à des niveaux de prix aptes à concurrencer Skoda, Dacia ou Kia. Dans cette optique, la firme de Detroit laissait à Opel (“Das Auto”)  le soin de concurrencer le premium à l’allemande. GM faisant aujourd’hui le constat de son échec, laisse l’Europe à Opel-Vauxhall.

Mais, tout comme PSA, GM perd de l’argent en Europe, et à donc tout à gagner au partage avec PSA, de ses coûts industriels et de sa base d’achats. Pour Opel et PSA,  les projets à Saragosse et à Sochaux, et la JPO PSA/GM restent donc d’excellentes solutions.

Avec l’hypothèse DongFeng, l’alliance GM/PSA par contre devenait compliquée. GM est en effet engagée en Chine avec SAIC, le numéro un de l’automobile chinoise, principal concurrent de DongFeng. Problématique pour GM et PSA, d’autant plus que la coentreprise GM/SAIC pèse environ 30% des ventes mondiales de GM (2,8 millions de véhicules sur le marché chinois en 2012)

De “sources bien informées” chez PSA, il semble que la sortie de GM du capital de PSA était à l’ordre du jour depuis “un certain temps”. Mais l’annonce unilatérale de GM jeudi dernier a pris tout le monde de court chez PSA. Pourquoi une telle annonce ?

On l’a vu, la sortie de GM, lui permet de donner des gages à SAIC, partenaire majeur sur l’Asie et concurrent de DongFeng . Mais une deuxième motivation est avancée par certains analystes (cf cet article ici) :

Si DongFeng n’est pas le premier acteur automobile en Chine, il bénéficie par contre d’un poids politique particulier. L’actuel ministre de l’industrie M. Miao Wei, a en effet occupé le poste de “Gereral Manager” de DongFeng de 1999 à 2005 (bio disponible ici). Rendre service à DongFeng c’est donc aussi rendre service aux autorités chinoises qui surveillent de près le secteur automobile et lui fixe des objectifs de développement très exigeants. Depuis l’annonce brutale de GM, l’action de PSA a baissé de plus de 10% rendant ainsi encore plus confortable pour DongFeng les négociations en cours ! Cela reste bien évidemment une hypothèse invérifiable, mais elle n’en est pas moins crédible…