Back In the Race : quel impact sur l’emploi en France chez PSA à l’horizon 2016 ?

Dans un article du 2 octobre, l’Usine Nouvelle titrait « PSA dément la suppression programmée de 10 000 postes en France » (cf : Usine nouvelle )

L’information, démentie par Carlos Tavares lors de sa visite au mondial de l’auto, aurait été extrapolée des données fournies aux organisation syndicales à l’occasion des observatoires des métiers qui se sont tenus sur les différents sites du Groupe depuis une quinzaine de jours.

Nous pouvons affirmer ici, qu’aucune information précise sur l’évolution du nombre d’emplois par métier n’a été fournie à l’occasion des observatoires qui se sont tenus ces derniers jours chez PSA. La Direction s’est contentée de fournir des indications sur le passage en « sensibles » des métiers présents sur chaque site. Rappelons qu’un métier « sensible » est un métier en sureffectif, sans qu’il soit précisé l’ampleur du sureffectif. Lorsqu’un métier apparait dans la liste des métiers sensibles, il est précisé, par exemple, que sur l’établissement concerné, 50 personnes exercent le métier en question. Mais sans jamais qu’il soit précisé si, pour revenir à l’équilibre, le métier doit passer de 50 à 49, 25 ou 5 personnes ! C’est une situation que nous avons dénoncée à l’occasion des derniers observatoires locaux des métiers et que nous entendons faire évoluer rapidement !

Si la source de l’information sur ces 10 000 suppressions d’emplois est erronée, nous sommes en mesure de confirmer que, selon nos estimations, c’est bien entre 10 000 à 12 000 postes qui auront être supprimés entre décembre 2013 et la fin de l’année 2016, dans la continuité des actions engagées pour la sauvegarde de notre entreprise.

En nous appuyant sur l’expertise du cabinet SECAFI, nous avions accepté en 2012 le diagnostic fait par la Direction de PSA sur la gravité de la situation, et sur les mesures à mettre en œuvre. Sur ce même principe, nous avons signé le Nouveau Contrat Social (NCS) qui présente l’avantage, en contrepartie de la mise en place d’un certain nombre de mesures de « flexibilités » et de modération salariale, de mettre en place des dispositifs permettant d’éviter à PSA de recourir à de nouveaux PSE, du type de ceux vécus à Rennes et à Aulnay.

A ce jour, et compte tenu des éléments mis à notre disposition par la Direction de PSA, mais aussi par les experts que nous consultons régulièrement, nous continuons de partager le diagnostic : la situation de PSA reste toujours très préoccupante et son avenir incertain. Soyez assurés que, conscient de la responsabilité qui est la nôtre comme représentant du personnel, nous sommes, et resterons, très vigilant sur la solidité des diagnostics qui sont posés et qui conditionnent nos prises de positions. Le jour où nous estimerons que notre Groupe est sorti de la zone de danger, nous serons les premiers à exiger de PSA que les salariés de notre Groupe bénéficient, enfin, du retour aux bénéfices, et cela à hauteur des sacrifices consentis toutes ces années. Cette heure n’est malheureusement pas encore arrivée, et c’est donc, toujours, à des réductions d’effectifs que nous allons devoir à faire face.

Quels sont les éléments qui nous permettent, très objectivement, de faire les prévisions de diminutions d’effectifs énoncées plus haut ?

Pour cela, pas besoin de chercher très loin, puisqu’il suffit d’écouter monsieur Tavares et de savoir lire entre les lignes du plan « Back in the Race » qu’il dévoilait le 14 avril dernier :

Dans son chapitre 4 intitulé « Améliorer la compétitivité, y compris en Europe » monsieur Tavares déclarait que le redressement de notre compétitivité passerait, notamment, par la poursuite « de l’abaissement du point mort et la réduction des coûts fixes du Groupe. ». Il précisait que si nous avions réduits nos coûts de manière continue depuis 2012, il nous fallait poursuivre nos efforts : « le ratio total des coûts salariaux / chiffre d’affaires est encore trop élevé (15.1% en 2013), et nous désavantage par rapport aux autres constructeurs (moyenne : 13,5%). Notre objectif : être sous les 12,5% d’ici fin 2016. »

Regardons ce que devrait signifier pour les effectifs du Groupe, ce passage de 15.1% à 12.5% du ratio coûts salariaux (CS) sur chiffre d’affaire (CA)

Les éléments qui sont donnés ci-dessous sont tirés du rapport sur les résultats annuels, publié avant l’assemblée générale des actionnaires et disponible ici : http://www.psa-peugeot-citroen.com/fr/finance/publications-financieres

 

2013 2016
CA 2013
2016 CA + 3%
Effectifs France 69 588 57 602 59 330
Coûts salariaux (M€) 5 506 4 558 4 694
CA automobile (M€) 36 461 36 461 37 555
Ratio (Coûts/CA) 15,1% 12,5% 12,5%

 

Selon les calculs ci-dessus, les effectifs France, de l’activité automobile pourraient donc passer de 69 588 en décembre 2013 à 57 602 personnes à décembre 2016, soit 11986 postes supprimés entre ces deux dates.

Ces chiffres sont toutefois à prendre avec précautions et amènent à quelques commentaires :

  • Attention aux dates retenues. Le point de départ est donné au 31/12/2013. Depuis cette date, la réduction des effectifs s’est poursuivie au travers du DAEC. Un point d’étape serait donc à faire aujourd’hui et nous vous communiquerons les informations dès que nous les aurons obtenues.
  • Nous avons retenu deux hypothèses, la première celle d’une stagnation du CA de groupe, la deuxième d’une augmentation de celui-ci de 3%. Difficile de prédire l’avenir dans ce domaine, mais sachant qu’il a été affirmé que PSA allait privilégier la défense de sa marge plutôt que celle du chiffre d’affaire, il est à craindre que la première hypothèse soit proche de la réalité.
  • Couts salariaux et CA, exprimés en millions d’euros, sont donnés pour l’activité automobile et sur un périmètre monde. Les effectifs le sont également pour l’activité automobile du Groupe, mais uniquement pour les effectifs France. Nous sommes partis du principe que l’essentiel des réductions d’effectifs se porteront sur la France, mais, à notre connaissance cela n’a jamais été précisé.

 

Nous n’avons pas, à ce stade, suffisamment d’informations pour aller plus loin dans nos estimations. En particulier, il ne nous est pas possible de connaitre la répartition par site/établissement de ces diminutions d’effectifs, et, par exemple, d’estimer l’effort qui sera demandé aux sites de production et aux sites tertiaires. Mais, sans pouvoir donner de chiffres, nous savons que le passage en monoligne annoncé à Mulhouse et Poissy devrait se traduire par plusieurs milliers d’emplois supprimés sur ces deux sites. Mais le gros des des restructurations étant déjà en cours sur les sites industriels, il est vraisemblable que les activités tertiaires seront, à leur tour, particulièrement touchés dans les 18 mois à venir, avec des risques spécifiques à ces secteurs d’activités :

On citera pêle-mêle :

  • La désorganisation de l’entreprise et des services (à force de réorganiser on désorganise tout)
  • La perte de cohésion entre les équipes (le bon fonctionnement des organisations reposait sur des liens interpersonnels que chacun avait su tisser au fil des années, et qui disparaissent avec le départ des uns et des autres, ou avec la « professionnalisation » des relations)
  • La perte des compétences, de l’expérience (combien d’erreurs pourrions-nous éviter en nous souvenant des erreurs passées. Encore faudrait-il qu’il reste des collaborateurs pour s’en souvenir)
  • Des pressions toujours plus grandes, un stress devenant vite insupportable pour ceux d’entre nous qui découvriront qu’ils sont positionnés sur un métier sensible (en sureffectif), qu’ils sont mis en mobilité forcée…
  • Une charge de travail toujours plus forte pour ceux qui resteront dans l’entreprise.

Si nous avons choisi de communiquer sur ce thème aujourd’hui, ça n’est pas pour rajouter du stress au stress, mais au contraire pour affirmer qu’il est possible de lever un certain nombre des risques décrits ci-dessus. Pour cela, grâce à un Nouveau Contrat Social âprement négocié, notamment par la CFTC, le Groupe a, sur le papier, tous les outils nécessaires pour limiter les dégâts. Mais encore faudrait-il que les Directions en charge de les mettre en œuvre, sachent les utiliser, que les managers qui devront déterminer les postes à supprimer aient bien mesuré les conséquences à long terme de leurs décisions.

Face à des changements structurants dans des organisations métiers nous exigerons de PSA que soient utilisés tous les moyens de communication et de gestion des emplois et des compétences prévus dans le Nouveau Contrat Social :

  • Quelle est la stratégie PSA pour le métier concerné, cette activité doit-elle, ou non, être externalisée ?

=> Présentation à faire en Comité Paritaire Stratégique (CPS)

  • Quelle est l’orientation du responsable de filière métier pour mettre en œuvre la stratégie telle que présentée en CPS ? Et en particulier :
    • Quel est le pourcentage de sous-traitance acceptable pour soutenir cette stratégie
    • Quelle grille de détermination (conséquence de la stratégie) est utilisée pour le classement des fonctions
  • Quelles sont les fonctions sensibles, à l’équilibre, sous-tension au global de la filière (sur le monde, par zone,…) et résultant de la grille de détermination

=> Présentation à faire dans le cadre de l’Observatoire central des Métiers et des Compétences

  • Comment se décline cette stratégie au niveau de chaque site (un métier à l’équilibre, au global de la filière peut être sensible sur un site et en tension sur un autre,…) ?

=> Présentation à décliner dans chaque Observatoire local des Métiers

Nous serons particulièrement vigilent dans les semaines à venir sur un point qui nous semble fondamental et qui nécessitera l’attention de chacun :

Il est faux de croire que la diminution drastique des effectifs pourra être compensée par une énième réorganisation. Non, les gains de productivité, mis en avant pour justifier toute réorganisation, ne suffiront pas à compenser les nouveaux départs !

Il va donc falloir que toute la chaine hiérarchique, et en particulier les managers de terrain (et surtout eux), acceptent qu’ils ne pourront/devront plus produire ce qu’ils produisaient jusqu’ici, qu’ils ne pourront plus continuer d’assurer la même qualité de service à trois personnes qu’à dix… Il va donc falloir que toute l’entreprise se recentre sur l’essentiel, sur le cœur de chaque métier et suspende les tâches non strictement indispensables !

Si tel n’était pas le cas, alors toute la pression se porterait sur les derniers maillons de la chaine, sur celui qui doit produire : sur vous ! Soyez donc attentifs, posez des questions ou faites poser des questions à vos managers… et prévenez nous en cas de blocage : ça doit aussi servir à ça un syndicat !