De l’argent en général, et des salaires chez PSA en particulier

Contrairement aux pays anglo-saxons, l’argent est en France un sujet tabou. C’est du moins ce qu’on nous répète depuis des années sans que personne ne pousse plus loin la réflexion. L’affaire est entendue, pas la peine d’en parler et d’interroger tel ou tel sur ce qu’il gagne « moi monsieur, je n’ai pas de problème avec le sujet, mais en France vous savez… Que les autres commencent, et bien sûr je vous répondrai ». Qu’un scandale soit révélé, et nos hommes politiques se remettent à prôner la transparence, jusqu’à ce que le sujet soit enterré (rappelez-vous les discussions sur les déclarations de patrimoine faites, la main sur le cœur, par nos dirigeants, et ce que les membres de nos deux assemblées en ont fait).

Nous même, sommes en général plus enclins à exiger de la transparence de ceux qui gagnent beaucoup plus que nous (le « patronat » par exemple), qu’à parler ouvertement avec nos collègues de nos salaires respectifs.

Si nous souhaitons ici ouvrir ce sujet, c’est que nous sommes convaincus que les salariés auraient tout à gagner à plus de transparence.

En premier lieu, il nous faut insister sur le fait qu’il ne s’agit pas de stigmatiser « ceux qui gagnent trop parce qu’ils gagnent plus que nous », mais de donner à chacun les moyens de répondre aux questions que nous sommes tous en droit de nous poser : suis-je, ou non, bien payé par rapport à mes collègues, par rapport à mes chefs ? Et donc, en définitive, suis-je payé à ma juste valeur ?

Instinctivement, à la question “suis-je bien payé”, la majorité d’entre nous répondrons par la négative. Mais quels sont les outils que PSA met à notre disposition pour en juger ?

Une fois par an, à l’occasion des négociations salariales, la Direction présente aux organisations syndicales le « Bilan annuel » de l’année qui vient de s’écouler. Y figurent notamment les tableaux de dispersions des salaires par catégories socio-professionnelles.

Ceux présentés ci-dessous, fournissent ainsi, par coefficient :

  • Le nombre de salariés concernés
  • Les salaires pour le premier et 9 ème décile (1er décile = 90% des salariés ont un salaire plus important ; 9ème décile = 90% des salariés touchent un salaire inférieur)
  • Les salaires médians (50% des salariés ont un salaire inférieur et 50% ont un salaire supérieur)

Bilan PCA 2013_OEBilan PCA 2013_TAM

(Cliquez pour agrandir les tableaux)

Avec ces informations, il est donc possible de savoir si l’on est plus ou moins payé que la moyenne des salariés (pour le même coefficient), voir plus ou moins payé que la grande majorité des collègues.

Pour les cadres par contre, même si quelques progrès ont été faits, on est encore loin de la transparence. Curieusement, les informations fournies ne sont pas directement exploitables.

Si vous êtes concernés, vous savez que la rémunération des cadres reposent sur une classification des différentes fonctions que l’on trouve dans l’entreprise (suivant la méthode Hay) allant, de “A” pour les fonctions aux plus hauts niveaux de responsabilités, à “F” pour les fonctions les plus simples. La grille qui nous est fournie ne reprend pas cette classification, mais celle en vigueur dans la métallurgie, et qui sert de référence pour fixer les minimas salariaux de la métallurgie, notre  branche professionnelle.

Qui plus est, alors que les écarts salariaux de chaque échelon sont très importants, ce n’est pas le salaire médian qui est présenté mais le salaire moyen !

Aucune chance donc, pour un cadre, de savoir si, compte tenu de son « poids de poste » il est, ou non, bien payé par rapport à ses collègues :

Bilan PCA 2013_Cadres

Cette année encore, nous avons demandée à la Direction de PSA de nous fournir la grille réellement appliquée par PSA pour fixer les rémunérations des ingénieurs et cadres (de A à F), ainsi que les salaires médians de chaque catégorie. Sans résultat.

La Direction semble comprendre notre point de vue, mais estime, qu’au vue de la situation du groupe, ce n’est pas le moment pour les cadres d’accéder à une information explicite. La Direction semble redouter, que la transparence réclamée, mette en évidence de nombreuses anomalies (des cadres mal positionnés), sans avoir les moyens financiers de régler ces situations par des “rattrapages” ponctuels.

Nous pensons, nous, que c’est justement dans les périodes difficiles qu’une entreprise se doit d’être transparente. Chez PSA, comme dans toutes les entreprises, les aléas de carrières, les problèmes et incompréhensions des salariés avec leurs hiérarchiques, voir les circonstances économiques du pays et de l’entreprise, peuvent conduire, à des décalages, plus ou moins importants, entre les salaires perçus par certains, et les salaires théoriques auquel ils pourraient prétendre au regard de leurs poids de poste.

Nous sommes convaincus que les cadres concernés sont capables de comprendre que, dans une période aussi délicate pour l’entreprise que celle que nous traversons, les ré-équilibrages salariaux ne sont pas faciles à résoudre. Encore faudrait-il qu’ils aient accès à l’information, pour discuter du problème avec leur hiérarchique, et obtenir (ou non) l’assurance que, lorsque la situation de PSA s’améliorera, ils seront bien les premiers à en bénéficier.

Encore faudrait-il aussi que les managers soient formés à ce type de dialogue, connaissent, eux aussi, la grille salariale appliquée (seul les cadres supérieurs et cadres dirigeant ont accès à cette information), et connaissent les différents leviers permettant de régler les mauvais positionnements salariaux !

Si nous continuons de réclamer cette transparence salariale, c’est que nous sommes convaincu que le redressement de notre entreprise passe notamment par un renforcement de la confiance entre salariés et employeur, et donc par le partage de l’information et le dialogue entre adultes responsables. Faute de quoi c’est la suspicion qui se renforcera, le sentiment que “l’on se fait avoir et que c’est toujours les même qui en profitent”.

Notes à l’attention des cadres PSA :

  • En attendant de pouvoir vous donner la « bonne grille » salariale, vous trouverez en suivant le lien ci-après, le moyen de connaitre votre poids de poste : ici
  • Nous allons vous mettre à contribution pour nous aider à construire la grille qu’on nous refuse encore. Surveillez le prochain tract de la CFTC, ou interrogez votre représentant CFTC local pour récupérer un code d’accès. Pour accéder à notre enquête cliquez : ici